La magie de la jeunesse


Grâce à une association qui s'est créée il y a de cela quelques années à Paris, un partenariat c'est en quelque sorte mis en place entre  les barreaux de France et les collèges et les lycées.

En fait il s'agit pour des avocats d'intervenir dans des classes de collégiens ou de lycéens pour leur expliquer en quoi, à leur âge, le droit les concerne dans leur quotidien.

C'est aussi l'occasion d'attirer leur attention sur un certain nombre de difficultés qu'ils sont amenés à rencontrer notamment, les dangers d'Internet, les problèmes de racket  et autres violences, ou encore les incivilités.

J'ai eu à cette occasion  la possibilité d'intervenir cet après-midi dans une classe de sixième du collège Saint-Jean Baptiste de la salle à Avignon.

J’ai été encore une fois émerveillé par la curiosité, l'enthousiasme de ses enfants pour des domaines qui ne sont pas a priori très proches de leurs préoccupations. J'ai eu, une fois encore, l'occasion de vérifier à quel point dans leur esprit se mélangeait les règles du droit français, et les règles dont ils sont abreuvés au travers des séries notamment américaines qu’ils regardent à la télévision.

Il ne s'agissait pas pour moi de leur donner un cours de droit, mais plutôt, au travers de cas pratiques, d'essayer de leur faire comprendre les mécanismes juridiques. Ce qui fut le plus intéressant a été de leur donner un cas pratique ayant existé d'une situation où une femme était soupçonnée d'avoir dégradé le véhicule de la nouvelle compagne de son ex-mari…

J'ai séparé la classe en deux, d'un côté les représentants de l'accusation, et de l'autre  côté la défense. Je leur ai ensuite donné les éléments qui avaient été portés à la connaissance de la juridiction ayant eu à trancher le cas.

À ce titre, un témoin avait vu la personne suspectée déambuler près du véhicule qui avait été dégradé. On connaissait évidemment par ailleurs l'ancien lien de famille ayant existé entre les différents protagonistes de cette histoire.

Enfin, je portais leur connaissance le fait que la personne suspectée avait déjà été condamnée pour des faits similaires où elle avait, à une reprise au moins, dégradé  le véhicule de la nouvelle compagne de son ex-mari.

Au bout de quelques minutes de préparation, l'accusation était fin prête. Les enfants eurent du mal, dans un premier temps, à n'utiliser que les éléments qui avaient été portés à leur connaissance, sans en inventer d'autres. Et puis, finalement, lorsqu'ils se bornaient aux éléments qui leur avaient été donnés, ils avaient du mal en quelque sorte à asseoir la culpabilité de la personne, peut-être par ce que quelques minutes auparavant, je leur avais expliqué ce que signifiait le principe français du bénéfice du doute. Ils ont utilisé l'ensemble des éléments qui leur avaient été donnés mais ne semblaient pas particulièrement convaincus de la culpabilité de celle à l'encontre de laquelle ils avaient, en quelque sorte, requis.

 

Lorsque j’eu l'occasion de donner la parole au groupe chargé de sa défense, les réactions fusèrent de tous côtés. Je retrouvai dans l’âme même de ces enfants ce qui fait le fil conducteur de l'avocat. Son incapacité à se laisser entraîner, en quelque sorte, a raisonner par analogie.

« Certes, on l'a vu déambuler près du véhicule, mais personne ne l'a vu dégrader ce véhicule ! »

« Ce n'est pas parce qu'elle a déjà commis des faits similaires qu'elle est pour autant coupable des faits qui lui sont reprochés ! »

En quelques minutes l'adhésion se fit autour de l'innocence de la personne ou en tout cas au fait qu'elle devait être relaxée des faits qui lui étaient reprochés, le doute existant étant trop important pour entraîner sa condamnation.

Quelle ne fut pas leur surprise lorsque je leur faisais part de la solution que la justice avait apportée à ce cas pratique. La personne suspectée avait été condamnée en première instance, en appel, et le pourvoi en cassation qu'elle avait formée avait été rejeté.

Je suis sorti de cette salle de classe en étant rassuré sur la manière de penser de nos enfants. Lorsqu'on leur demande de raisonner en fonction de principes, ils les appliquent à la lettre, sans aucun état d'âme, et sans esprit de corps.

Ils ne sont, en tout état de cause, perverti par aucun sentiment extérieur à celui du raisonnement qui doit conduire à la condamnation  d'une personne ou à sa mise hors de cause.

 

Parfois, je me pose la question de savoir si nous ne serions pas mieux lotis en étant jugés par des enfants !


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