C'est enfoncer une porte ouverte que de constater que le débat sur le mariage pour tous génère nombre d'émotions, dont peut-être certaines sont sans fondement.
De quoi s'agit-il ?
Même si je n'ai pas lu le texte du projet de loi qui sera débattue sous peu à l'assemblée, il semble qu'il s'agit simplement de permettre à des personnes de même sexe de contracter un mariage civil tel qu'il est prévu dans notre Code civil pour des personnes de sexe différent jusqu'à ce jour.
Avec l'évolution des mœurs de notre société, on peut se poser la question de savoir pourquoi on dénierait à des personnes qui s'aiment et qui sont de mêmes sexes le droit de consacrer leur union comme le font les couples hétérosexuels en se retrouvant devant Monsieur le maire et en échangeant leur consentement.
Le problème n'est évidemment pas là et les détracteurs de cette loi insistent sur le fait qu'une telle loi consisterait à modifier les règles mêmes de notre civilisation.
Il s'agit en fait de dénier à deux personnes de même sexe qui se serait marié le droit d'avoir des enfants.
Il faut à mon avis distinguer les différent cas de figure.
Le premier cas de figure consisterait à ce qu'un des membres du couple homosexuel ait d'ores et déjà adopté un enfant par exemple, et que par l'effet du mariage, cela permettrait à l'autre parent, par légitimation, de devenir le père ou la mère de cet enfant, au même titre que l'autre parent qui l’ a d'ores et déjà adopté. Il faut savoir que, dans les faits, cette situation existe de manière officieuse, puisqu'il n'est pas rare que des coupes homosexuels fassent la démarche d'adopter un enfant en déposant un dossier d'adoption pour l'un des deux seuls membres du couple. Une fois l'adoption permise est obtenue, la vie de l'enfant se déroule donc d'ores et déjà dans un couple composé de deux personnes de même sexe.
L'autre cas de figure consisterait à ce que une fois le couple homosexuel marié, ils entament ensemble des démarches enfant en vue d'une adoption commune.
Les détracteurs de cette loi semblent oublier que le simple fait d'être marié ne suffit pas à conférer à un couple l'agrément aux fins d'adoption.
J'ai suffisamment accompagné nombre de couples hétérosexuels dans ce cas de figure pour vous affirmer qu'il n'existe pas de caractère automatique, et que l'agrément au fin d’adoption ne s'opère qu'une fois des enquêtes particulièrement fouillées effectuées notamment par les services sociaux des conseils généraux. On comprend mal dans ces conditions que cette loi génère une telle émotion parce qu'encore une fois le mariage entre deux personnes de même sexe ne leur conférera pas automatiquement le droit d'adopter un enfant.
Et quand bien même ?
La question qui se pose alors est de savoir si ce qui a jusqu'à ce jour été le fondement de l'organisation familiale nécessite une évolution au regard de l'évolution que nous vivons quotidiennement de nos mœurs et des règles de fonctionnement de la société dans laquelle nous évoluons.
Très honnêtement, je suis assez partagé sur cette question. Je pense qu'il est indispensable de conserver en seule ligne de mire l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ces conditions, on peut se poser la question de savoir ce qui est le plus important. S'agit-il de savoir si les gens qui aiment cet enfant et l’entourent sont de même sexe ou si tout simplement cet enfant est entouré d'amour ?
J'ai eu au cours de ma carrière à m'occuper d'un certain nombre de dossiers où les enfants se sont vus élever par des gens qui n'étaient pas leurs parents biologiques. J’ai eu des cas d'enfants élevés par les grands-parents, par ce que l'on appelle un tiers digne de confiance, ou encore par d'autres membres de la famille.
Encore une fois, ce qui a toujours semblé primordial tant aux services sociaux qui s'occupaient de telles affaires qu’au juge charger de surveiller et de donner son accord au projet mis en place, c'était l'intérêt supérieur de l'enfant, et donc de vérifier que les conditions de vie de l'enfant dans ce foyer étaient les meilleurs qu'il puisse avoir.
Les détracteurs de cette loi expliquent qu'un enfant se verra ridiculisé par ses petits camarades s’il explique, par exemple dans la cour de récréation, qu’il n'a pas un papa et une maman mais deux papas ou deux mamans.
Je pense que ce débat et d'arrière-garde. Il ne tient pas compte de l'évolution de notre société qui depuis des années, accepte, et c'est heureux, que deux personnes de même sexe puissent vivre ensemble et s’aimer.
Si j'avais mauvais esprit, je pourrais considérer que ce projet de loi a été en quelque sorte kidnappé par une opposition qui a besoin de sujets fédérateurs pour organiser la résistance.
Hier, entre 400 et 800 000 personnes se sont retrouvées à battre le pavé parisien pour expliquer leur opposition à ce projet de loi. Et depuis ce matin, les médias se font l'écho de tous les responsables politiques qui viennent expliquer qu'une telle mobilisation doit nécessairement générer une consultation nationale par voie de référendum afin de savoir ce que la société française fait finalement comme choix pour son avenir.
Je me permets d'abord de rappeler qu'il existe en France plus de 65 millions d'habitants. Le fait qu'environ 500 000 personnes viennent expliquer à quel point ils sont contre ce projet de loi ne doit pas générer d'émotions outre mesure. Il ne faut pas non plus oublier que la France est une démocratie participative et qu'il existe des représentants tant à l'assemblée nationale qu'au Sénat dont la fonction même et de discuter les projets de lois, de les amender si nécessaire, et, au nom du peuple français, de voter les projets de loi lorsqu'ils peuvent recueillir la majorité des suffrages.
Je pense que nous aurons encore l'occasion de subir, car c'est le terme, de nombreux débats d'idées sur ce thème.
Si l'amalgame continu à se faire entre la possibilité d'un mariage homosexuel et la capacité à adopter, le débat sera tronqué et le peuple de France une fois de plus trompé.