Dans le nouvel observateur du 13 décembre dernier, un article est paru sous le titre :
« Avec mon père, ça dure depuis 15 ans. On est amoureux »
Il nous est retracé dans cet article de Doan Bui l’histoire d’un homme qui couchait régulièrement avec ses filles. Il a fini par en prendre une pour sa favorite avec qui il a eu d'ailleurs un enfant aujourd'hui âgé de 10 ans.
Ils vivent ensembles.
Cet homme a comparu devant la cour d'assises d'appel d’Amiens, ou toute la famille s'est retrouvée, sauf la mère, pour venir expliquer à quel point c'était le bonheur parfait dans cette maisonnée, et qu'il n'y avait jamais eu la moindre contrainte, même si certaines dépositions des filles laissent penser le contraire.
Le père ira même jusqu’à expliquer qu'il continuait à coucher avec ses autres filles pour ne pas qu'elles se sentent délaissées, même s'il n'était pas amoureux d'elles.
Une fois encore, cette histoire pose le difficile problème du consentement de mineurs à des relations sexuelles alors qu'ils sont très jeunes.
Alors que notre droit français protège les mineurs contre leurs agissements positifs, rien n'est fait pour les protéger de ce qu'il pourrait éventuellement subir.
Il suffit de faire état du consentement du mineur pour que l'infraction tombe. Certes, il existe l’ infraction d’atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans, qui doit automatiquement générer une déclaration de culpabilité et une peine.
Cela fait bientôt 20 ans que je milite en faveur d'une modification radicale de la législation en matière de viol et d'agressions sexuelles sur mineur.
Le problème est aujourd'hui strictement technique. Dans la mesure où la minorité de 15 ans est une circonstance aggravante du délit d’agression sexuelle ou du crime de viol, il n'est pas possible d'en faire un élément constitutif de l'infraction.
Autrement dit, le jeune âge de l'enfant n'est pas en soi la démonstration d'une absence de consentement. Pourtant, dans de nombreuses autres matières, l'enfant est a priori considérée comme n'étant pas en mesure de valablement donner son consentement, par exemple pour signer un contrat qui l’engagerait.
Il faudrait donc modifier la loi pour dire que tout acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans est un viol. La définition de l'infraction comporterait en soit la contrainte et il ne serait alors plus nécessaire de démontrer l'absence de consentement.
De surcroît, ce débat sur l’absence de consentement est souvent vécue comme une terrible épreuve par les victimes dans le cadre des procès de leurs agresseurs.
De nombreux pays ont d'ores et déjà opté pour cette méthode de protection des enfants mineurs face aux prédateurs sexuels. La France a tenté d'inscrire dans son code pénal l'inceste en tant que tel, mais le conseil constitutionnel a considéré que les dispositions légales promulguées étaient trop floues pour pouvoir être valablement maintenus dans notre arsenal législatif.
Mais il suffit d'imaginer l'espace d'un instant ce que pouvait être le quotidien de cette famille pour considérer qu'il est impossible de laisser perdurer de tels comportements sans que les mineurs puissent être protégés, y compris contre eux-mêmes, lorsque l'emprise est tellement forte qu'ils n'ont aucune conscience de la situation dans laquelle ils se trouvent véritablement.
Que va-t-on dire à cet enfant, né d'un inceste, et qu'elle va être sa réaction lorsqu'il saura que son père et son grand-père sont une seule et même personne ?
Qu'en est-il de son avenir, de sa capacité à lui-même fonder une famille ?
L'inceste a toujours été considéré comme un tabou majeur de nos sociétés, tout simplement parce que la permission de l'inceste confine à la destruction d'une civilisation.
Cet homme a été, certes, déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés mais condamnés à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis, la peine ferme devant vraisemblablement couvrir la détention provisoire qu'il avait peut-être faite.
Je ne comprendrais jamais comment la législation française protége d'une manière aussi efficace le portefeuille de ses citoyens, mais si mal la vertu de ses enfants.